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Evan Solis, the taste of forbidden pleasures.
27 juillet 2020

Article complet - Modifié par Liv - Chronologie normale



Avoir des enfants lorsque l'on vient d'une famille de violence chronique, un choix ?

En Europe, les différents états remettent en question régulièrement le droit de faire un enfant. Selon l'O.N.E, il est possible d'observer une violence transgénérationnelle au sein des familles. Dans ce contexte, est-ce réellement un choix ?

L'être humain a toujours été animé par le concept d'héritage et de transmission: des phénomènes élémentaires, sur lesquels s’est construite notre civilisation. Dans une optique d’évolution, les préoccupations collectives se sont toujours concentrées sur le déploiement des générations futures.

C'est dans ce même intérêt que, de façon inhérente, un contrat social s'est construit autour de la notion de reproduction. Notre histoire s'est édifiée à travers cette valeur conservatrice : protéger son héritage pour prospérer. Une sorte de mantra sociétal, qui a instauré la maternité comme finalité pour les femmes et les a cantonnées au seul rôle de mère, via une forte idéalisation et une représentation omniprésente. 

Les luttes féministes sont venues questionner ce dogme, ainsi que la question de la maternité comme une fin en soi.Nous avons obtenu le droit de disposer de nos corps, de défendre notre autonomie et de nous affirmer en tant qu’individu. Pourtant, aujourd'hui encore, ces droits sont régulièrement menacés par des magistrats et groupes de pression.

Violence conjugale, sexisme au sein du travail, harcèlement de rue… Aujourd’hui, si les luttes féministes ont permis de questionner le rôle unique de mère et acquis certains droits, la société patriarcale ne manque pourtant pas de ressources pour agir en défaveur des femmes, et plus largement structurer et autoriser la violence envers celles-ci.

Une inégalité sociale accrue au sein du foyer

Au cœur de l’inégalité des rôles sociaux réside celle au sein du foyer. Au-delà d'une affaire privée, sa gestion est pourtant éminemment politique,cristallisant au passage les mœurs d'une société. La famille et la manière dont elle est pensée est un acteur intrinsèque du patriarcat. Ce sont dans ses coulisses que se jouent les contraintes hétéro-normatives.

Comme l'explique Titiou Lecoq et Coline Charpentier dans leurs livres sur la charge mentale, les inégalités et micro-violences se multiplient de manière exponentielle à l’arrivée du premier enfant. Au sein d’une famille hétéro-parentale, les besoins de la mère sont souvent éludés: charge émotionnelle, charge mentale, charge ménagère, valeur sociale de la famille, pression sexuelle, etc
.

Selon ces études, les couples homosexuels ne sont exempt de ces représentations. Si les inégalités sont reconnus comme moins élevées, il en témoigne que l'un des membres du ménage est également lésé dans le départage des tâches. Il n'existe actuellement pas d'études concernant les membres du ménage comprenant une personne transgenre.


Lorsque nous évoluons dans une société qui sur-représente les modèles familiaux et parentaux, la gestion du foyer n'est pas aisée. Virginia Woolf l'interrogeait déjà au 19eme siècle et Mona Chollet l'exprime encore aujourd'hui : Comment s'occuper d'une famille tout en cultivant une carrière ? Comment l'envisager alors même que les rouages de la société contrôle le mouvement des femmes à travers ces étiquettes ?


S'éloigner de ces modèles sociaux signifie-t-il moins aimer ? Est-il possible de les remettre en question lorsqu’ils sont présentés comme preuves d’amour ?
Pourtant, ces normes hétéro-normatives mettent  bel et bien en péril notre santé mentale et physique. 

Le foyer, lieu d’une transmission intergénérationnelle de la violence


Si dans un contexte classique il peut être difficile pour une femme de gérer la pression sociale, qu’en est-il lorsqu’elle transporte avec elle un bagage intergénérationnel de violence ? Difficile de parler de la conception d'un enfant sans aborder le contour systémique qu'on lui lègue. Un climat qui, pour certaines femmes, peuvent à la fois les dissuader ou les convaincre d’être mères.

Idéalement, l'héritage que l'on reçoit participe à construire et structurer qui nous sommes. Il est inévitable de transmettre et de recevoir un héritage, de sorte que nous avons toujours une forme de "l'autre" en nous. Comme l'explique le psychiatre Emmanuel de Becker dans SOS-Enfant, quelques soient les éléments de sa transmission, cette forme participe inévitablement à créer notre identité. L'héritage familial est une forme de violence: elle nous impose une place en tant que maillon d'une chaîne de générations que nous n'avons pas choisie. Et si elle offre à certains un sentiment d'appartenance, elle peut avoir un effet néfaste sur d’autres.

Nous ne naissons pas tous égaux. Sommes-nous pourtant libres de nos choix ? Conscients de ce que nous léguons ? Reconnaissons-nous un statut de responsabilité dans cette décision de transmettre


Mes questionnements aujourd'hui se concentrent sur les processus qui entourent la maltraitance chronique. Plus spécifiquement sur les femmes qui, dans un tel contexte, choisissent ou refusent de concevoir un enfant.

Ce n’est pas une prédiction néfaste: la question est évidemment complexe, car elle est avant tout humaine. L'article n'a absolument pas pour but de condamner de façon systémique ou de stigmatiser certains modèles familiaux.

Des secrets, une ambiance étouffante, un passé compliqué, des interactions pathogènes peuvent à première vue ne pas constituer des événements traumatiques. Selon l'O.N.E, ils participent à transmettre la souffrance d'une génération à une autre. On parle de résonance émotionnelle à travers les générations, de "vécu non-vécu toujours à revivre".

Souvent, certains traumatismes ne peuvent être entendus, digérés, compensés. Les émotions et la souffrance associées sont si intolérables à ressentir qu'elles ne peuvent être accueillies. Elles fragilisent et menacent l'intégrité de l'individu. Le traumatisme est d'une telle proportion qu'il va déborder de la personne pour s'exprimer et se déployer sur le groupe familial, voire les générations suivantes. Il est déplacé dans le temps et l'espace. Le mécanisme de défense utilisé par la personne pour ce protéger de l’événement est de faire voyager cette souffrance à travers la famille. Celle-ci
ne s'explique pas verbalement mais elle s'inscrit et s'enracine dans l'inconscient.


La place de l’enfant

L'enfant est enveloppé par la vie quotidienne de la famille, son atmosphère, ses marqueurs d'humeur, où les choses sont faites dans l'action avant d'être pensées. Les enfants sont des éponges et vont absorber l'apprentissage de ces schémas peuplés de souvenirs, des non-dits qui structurent et parfois immobilisent. Ces interactions pré-verbales vont contribuer à transmettre de façon transgénérationnelle une manière inconsciente d'agir. Et si ces réalités sont pathogènes et traumatiques, on transmet une façon pathologique de fonctionner dans son rapport à l'autre.

Selon les psychologues  Anna Maria Nicolò et Eleonora Strinati, tous les membres de la famille participent à perpétuer et inscrire ces schémas pathologiques. Les générations futures ne sont pas uniquement dépositaires du souvenir dissocié du trauma; elles héritent également des mécanismes de défenses et de la réorganisation de famille après un l’événement pour affronter son ampleur et ses conséquences. Ensuite, ces défenses transpersonnelles sont amenées à être enseignées et répétées aux enfants et perpétrés par les générations futures.

Ces mécanismes agissent comme de véritables pièges et endettent émotionnellement les générations suivantes. La minimisation de la souffrance ou leur négation lègue un sentiment de méconnaissance de la réalité. Les enfants grandissent à travers un malaise sans visage que leurs parents refusent d'aborder. Et comme les parents méconnaissent leur propre souffrance, ils sont moins outillés pour détecter les signes de souffrances de leurs enfants. Pour eux, comment nommer cette souffrance qui ne porte aucun nom ? Que peuvent-ils faire de ce bagage qu'on les oblige inexorablement à porter ?



Une parentalité différente ? 

Mais aussi, est-il possible de réinventer une parentalité différente ? Possédons-nous le choix de partager ce que nous souhaitons ? Est-il possible de se déjouer de ces processus ? Et surtout, à quel prix ?

Selon l'O.N.E, reconnaître et énoncer les faits en diminue singulièrement le caractère chronique. Accompagné parfois d'un psychothérapeute, il faut une véritable force mentale pour affronter ces remous traumatiques et du courage pour remettre en question le caractère enraciné d'une toile familiale. Discuter du passé commun qui nous lie à travers les générations permet de se déplacer du rôle de spectateur à celui qui se met action, questionne et sort du silence. Il se met en relation, se fait exister et surtout cesse de jouer le rôle de l'oppresseur et d'être complice d'une culture familiale qui condamne.

Nous effectuons un travail de réappropriation de notre propre histoire. Nous réintégrons l’événement traumatique dans un fil riche qui constitue notre existence, là où il était isolé et aliéné du reste. C'est en racontant notre histoire que nous apprenons qui nous sommes et que nous obtenons consistance. Ces mémoires nous permettent de déchiffrer le monde sous une autre vignette et d'en décoder ces événements.

Nous pouvons choisir de le transmettre de la manière que nous le souhaitons, d'en constituer un récit cohérent et clair à partager à l'autre, à nos possibles enfants, même s'ils témoignent d'un souvenirs douloureux.

Ces actions libèrent le champ des possibles en terme de filiation, dans le choix d'avoir des enfants ou de ne pas en avoir. Il permet de choisir, en envisageant la possibilité de réinventer les dynamiques familiales et d'oser des positions relationnelles différentes et qui à terme redistribuent toutes les cartes du jeu systémique de la famille.



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Commentaires
Evan Solis, the taste of forbidden pleasures.
  • Il clot fermement ses paupières. L'encéphale se couvre d'image. D'abord, il y entend les pages réches d'un bouquin, les viniles tourner en boucle dans sa chambre, et puis discrètement le rire de Dael. Et de manière lointaine, il croit y trouver sa place.
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